Introduction : quand la parole ne suffit pas
Quand on pense à la consultation chez un psychologue, on imagine souvent que tout passe par la parole. Pourtant, pour beaucoup de personnes — enfants, adolescents, ou même adultes — il n’est pas toujours simple ni naturel d’exprimer ses émotions ou ses souffrances par des mots. Dans ces situations, les médiations thérapeutiques prennent toute leur importance. Elles offrent des moyens d’expression alternatifs, symboliques, qui ouvrent une autre porte vers l’intériorité.
Ces outils comme le dessin, le jeu symbolique, le photolangage ou encore les objets médiateurs permettent d’accéder à des émotions, des conflits ou des représentations parfois inconscientes ou difficilement formulables. Ils respectent le rythme et les besoins spécifiques de chacun.
Les différentes médiations thérapeutiques : description et spécificités
Le dessin
Le dessin est l’une des médiations les plus utilisées en thérapie, notamment avec les enfants et adolescents. Il permet de représenter visuellement ce que la personne ressent, pense, ou imagine. Le dessin est un langage non verbal, riche en symboles et métaphores.
Pour un enfant ou un adolescent, dessiner peut être un moyen de projeter des émotions sans passer par la parole. Par exemple, il peut dessiner une scène familiale, un paysage, une créature imaginaire qui représente une peur ou une colère. Le thérapeute invite souvent la personne à commenter son dessin, ce qui permet de progressivement mettre des mots sur les images.
Le jeu symbolique
Le jeu symbolique est particulièrement adapté aux enfants, mais aussi à certains adolescents. Il s’agit d’un jeu où les objets ou les personnages représentent autre chose que ce qu’ils sont en réalité. Par exemple, une poupée peut symboliser un parent, une voiture peut représenter un déplacement ou une fuite.
Ce jeu permet de rejouer des situations vécues, des conflits internes ou familiaux, dans un cadre sécurisé et contrôlé par l’enfant. Il est souvent une expression spontanée de l’inconscient, permettant de dévoiler ce qui est difficile à dire. Le thérapeute observe, accompagne, et peut proposer des mises en scène pour aider à comprendre ce qui se joue.
Le photolangage
Le photolangage consiste à proposer au patient une série d’images ou de photographies qu’il doit choisir et commenter. Ces images peuvent être figuratives, symboliques, abstraites, et sont utilisées comme supports pour évoquer des sentiments, des souvenirs, des représentations internes.
Cette technique est particulièrement utile quand la personne a du mal à verbaliser ses émotions. Choisir une image, expliquer pourquoi elle a été choisie, ce qu’elle évoque, est un moyen indirect mais puissant d’explorer le monde intérieur. Le photolangage stimule la réflexion et la verbalisation progressive.
Les objets médiateurs et autres techniques
Outre le dessin, le jeu et le photolangage, il existe d’autres médiations, comme :
- Les objets médiateurs : utilisation d’objets symboliques que la personne peut manipuler, positionner, associer pour exprimer des dynamiques internes ou relationnelles.
- La musique : certains patients trouvent dans l’expression musicale un moyen de libérer des émotions.
- Le théâtre et la mise en scène : particulièrement chez les adolescents ou adultes, jouer un rôle peut permettre d’explorer des parts de soi autrement inaccessibles.
- L’écriture créative : raconter une histoire, écrire un poème ou une lettre non adressée permet de structurer un récit personnel.
Ces techniques partagent la même finalité : offrir un espace d’expression sécurisé, symbolique, qui soutient la parole.
Pourquoi ces médiations sont-elles si utiles ?
- Accessibilité émotionnelle : elles facilitent l’expression des émotions souvent refoulées ou non identifiées.
- Respect du rythme personnel : elles ne forcent pas la parole immédiate, permettant une progression en douceur.
- Création d’un espace sécurisé : elles installent un cadre ludique ou symbolique qui apaise l’angoisse.
- Stimulation de la créativité : elles mobilisent l’imaginaire et la capacité de projection.
- Favorisation de la verbalisation : elles préparent et accompagnent la mise en mots progressive des ressentis.
- Adaptabilité : chaque patient peut trouver la médiation qui lui correspond.
Cas clinique : Maxime, 15 ans, et le photolangage comme voie d’expression
Maxime, adolescent de 15 ans, est adressé en consultation psychologique pour des troubles du comportement : il manifeste des accès de colère fréquents et un repli social important. À son arrivée, il est très réservé et refuse catégoriquement de parler de ce qu’il ressent ou vit. Ses proches rapportent qu’il « s’enferme dans le silence » et que sa colère est souvent difficile à canaliser.
Pour respecter son rythme et ses résistances, le psychologue propose de recourir au photolangage, une médiation permettant d’explorer son univers intérieur sans passer directement par la parole.
Lors de la première séance, Maxime est invité à choisir parmi une série d’images disposées devant lui. Ces images, variées, évoquent différentes émotions, situations de vie, paysages, personnages, couleurs, ambiances. Sans aucune contrainte, Maxime sélectionne une photographie représentant un sentier désert dans une forêt brumeuse.
Le psychologue l’invite à expliquer pourquoi cette image l’a attiré. Maxime murmure qu’elle lui rappelle un moment où il s’est senti « perdu » et « seul ». Au fil des séances, en choisissant d’autres images – une mer agitée, un ciel orageux, puis un coucher de soleil apaisant –, Maxime commence à verbaliser ses émotions : la colère, la peur de l’abandon, mais aussi une envie profonde de calme et de compréhension.
Le photolangage permet ainsi à Maxime d’exprimer par l’intermédiaire d’images ce qu’il ne peut dire avec des mots. Cette médiation lui offre un espace sécurisé pour aborder ses ressentis, tout en laissant la parole venir naturellement, quand il se sent prêt.
Progressivement, Maxime développe une meilleure connaissance de lui-même et parvient à mettre des mots sur ses émotions. La colère devient alors moins incontrôlable, et le dialogue avec ses proches s’améliore.
Un accompagnement personnalisé et respectueux
Chaque patient, chaque âge, chaque histoire appelle une médiation adaptée. Il ne s’agit pas d’imposer un outil, mais de co-construire avec la personne un espace où elle se sent libre de s’exprimer.
Les médiations enrichissent le cadre thérapeutique, le rendant plus vivant, plus sensible, plus ouvert à la diversité des modes d’expression.
Conclusion
Intégrer des médiations telles que le dessin, le jeu symbolique ou le photolangage en thérapie, c’est reconnaître que la parole n’est pas toujours le seul chemin possible. Ces outils offrent des voies alternatives, respectueuses, créatives, pour donner voix à ce qui ne peut encore être dit.
Ils ouvrent la porte à une meilleure compréhension de soi, à la libération des émotions, et à la reconstruction du lien à soi et aux autres.
Dans ma pratique, ces médiations sont un pilier essentiel de l’accompagnement, permettant à chaque personne — enfant, adolescent, adulte — de trouver sa propre voie vers le mieux-être.